vendredi 7 avril 2000

La guerre secrète

La guerre secrète (Bodyguard of Lies) raconte le rôle des services secrets et des "moyens spéciaux" durant la Seconde Guerre Mondiale. L'historien et journaliste Anthony Cave Brown est anglo-américain mais autant que j'ai pu en juger reste impartial. Le livre a été publié en 2 tomes en 1975 (1983 en français) à l'époque où le secret sur le sujet commençait à être moins strict.

Je connaissais déjà bien la partie concernant le cassage d'Enigma par - entre autres - Turing m'étant beaucoup intéressé à l'histoire de l'informatique. Une très bonne lecture sur le sujet d'Enigma et de l'hstoire de la cryptographie est Simon Singh. Dans un autre style, Cryptonomicon de Neal Stephenson est un de mes romans préférés. Notons néanmoins que des découvertes plus récentes apportent un éclairage différent (intelligent life).

Le cassage d'Enigma lui-même n'occupe qu'une place mineure dans le livre qui traite bien plus de l'utilisation militaire qui en a été faite via les messages Ultra. Les "Ultra" était les messages interceptés et décryptés par les britanniques et les américains qui étaient traités dans le plus grand secret avec comme objectif prioritaire de ne pas laisser les Allemands soupçonner que leur code était brisé. L'autre élément déterminant de cette guerre secrète est l'intoxication de l'ennemi notamment en gonflant les effectifs présent sur le sol britanniques (par la création de faux trafic radio, par exemple) et en rendant crédible différents points de débarquement pour éparpiller et fixer les troupes allemandes. Même après le jour J, Hitler croyait qu'un autre débarquement plus important aurait lieu dans le Pas-de-Calais. Cryptonomicon aborde aussi les couvertures d'Ultra et l'intoxication.

Comme tout "vrai" livre d'histoire, La guerre secrète est assez touffu et plein de détails. Certains passages sont un peu rébarbatifs mais dans l'ensemble cela se lit sans problème et est captivant.

L'impression dominante que j'ai eu à la lecture est que cette guerre a été une suite de situations dans lesquelles un petit détail aurait pu modifier sensiblement le cours de l'Histoire. De nombreux épisodes rocambolesques dont l'authenticité est avérée sont si peu vraisemblables qu'utilisés dans un scénario de fiction, ils seraient jugés ridicules. Par exemple, en mars 1943, durant l'Opération Flash un conspirateur demanda à un membre de l'entourage d'Hitler s'il voulait bien ramener dans l'avion un paquet de deux bouteilles de Cointreau pour un général vivant à Berlin. La forme carré de ces bouteilles rendait crédible le paquet qui contenait en fait de l'explosif. Malheureusement cela n'a pu fonctionné. L'avion a volé plus haut que prévu, il a fait froid dans la soute à bagage et l'acide qui devait ronger un cable et faire détonner la bombe a gelé ! Apprenant l'échec, le général a rapidement été récpéré ses "bouteille" et la tentative d'attentat est restée insoupçonnée.

On note aussi que les services secrets des deux camps inventaient au fil des événements un nouveau type de guerre à laquelle ils n'étaient pas préparés et qui provenait du progrès technique et de la part prise par les télécommunications.

Quelques pages amusantes et édifiante sur De Gaulle à Londres à qui personne ne fais confiance (à raison).

Même si l'utilisation des messages Ultra a été faite avec un incroyable brio, il faut s'interroger comme le fait l'auteur à la fin du livre sur l'impact négatif que cela a aussi eu. La Schwarze Kapelle et Rommel s'opposaient à la folie d'Hitler et voulaient sauver leur pays, néanmoins il n'avaient aucun pouvoir de négociation avec les Alliés car toutes les informations qu'ils auraient pu fournir en échange étaient déjà connues de ces derniers. De plus, il semble que les dirigeants alliés aient été aveuglés par la volonté d'abattre l'Allemagne plutôt que de se débarrasser d'Hitler, faire une paix séparée et avoir sur le continent une Allemagne forte et démocratique (éventuellement monarchique) capable de servir contre l'ennemi soviétique qui se profilait.