lundi 16 octobre 2000

Financement de immatériel (Partie 1)

Je vais présenter ici des possibilité de financement pour deux activités au résultat partiellement immatériel et dont le mode de financement le plus répandu actuellement est insatisfaisant : la musique et l'éducation. Le cas de la musique peut être étendu à toute les formes de création intellectuelle facilement duplicables dès qu'elles sont divulguées (médicaments, livres,...)
En apparence, ces problèmes sont différents. L'industrie du disque est confrontée à la question «Comment faire payer l'utilisateur ?» alors que pour l'éducation la question est plutôt «Comment être efficace à un coût raisonnable ?». Néanmoins, ces problèmes peuvent êtres résolus de façons semblables.
Ce billet sera posté en 3 parties, la présente comme introduction, les suivantes détaillant chaque cas.

Objectifs de justesse
On appelle ici globalement "producteurs" et "consommateurs", respectivement ceux qui reçoivent l'argent et ceux qui payent .
On se fixe les objectifs suivants pour considérer que le système est juste :
- Faire payer celui qui profite du service et surtout ne pas faire payer celui qui n'en profite pas
- Payer dignement les producteurs, c'est à dire ne pas dépendre seulement du bon vouloir des consommateurs (donations, ...)
- Être aussi résistante que possible aux comportements frauduleux
- Avoir un système globalement vertueux : amélioration avec le temps pour le producteur et pour le consommateur.

Propositions de modèles
Les modèles économiques proposés sont présentés sommairement ici et seront détaillés dans les parties suivantes.
Du coté de la musique, il y a principalement deux problèmes. Le premier est majeur, il réside dans la possibilité croissante depuis quelques années de dupliquer quasi-gratuitement les enregistrements avec un risque légal faible. Les solutions visant à résoudre directement ce problème sont vouées à l'échec car pour être efficace elle nécessiteraient une confrontation entre les producteurs et les consommateurs incompatible avec une bonne relation commerciale (solutions type DRM). La solution contractuelle est proche de la situation actuelle et poserait sans doute les mêmes difficultés. Le second problème est mineur en pratique, il s'agit du manque d'assises solides à la notion de "propriété intellectuelle". La propriété sur les biens matériels est intuitive (un objet est à un seul endroit à chaque instant) mais les idées ne sont pas des biens excluables .
On déduit du premier problème qu'il est illusoire de vouloir gagner de l'argent une fois que l'idée est divulguée et qu'il faut donc le faire avant. La solution est la souscription. Le modèle basique consiste à définir une somme totale couvrant les frais et les bénéfices voulus et à demander aux consommateurs potentiels de la réunir. Ces dernier ne payent effectivement que si la transaction aboutie et que l'enregistrement est fournie. La musique est alors librement diffusable, ceci est inévitable de toutes façon et présente des avantages qui seront détaillés dans le prochain billet.

Pour l'éducation, un système doublement décentralisé (gestion autonome et choix de l'établissement par les parents) conserve un problème qui est le manque d'incitation pour l'établissment à améliorer le niveau de ses élèves. La réputation de l'établissement (et la conscience des enseignants) pourrait être suffisante mais elle est difficile à mesurer et n'a qu'un impact limité. Dans la situation actuelle et avec la plupart des modes de financement, c'est la phase d'apprentissage qui est payée et non les résultats.
Même si cette solution n'est pas parfaite, on peut considérer que le salaire (ou plus généralement les revenus du travail) est le meilleur indicateur disponible. Il est donc logique de payer ses études a posteriori en fonction du salaire obtenu. Les modalités les plus efficaces restent à déterminer. Cela peut être fait analytiquement (dans le billet détaillé) mais les acteurs impliqué le feront bien mieux au cours du temps avec leur expérience.

Je propose d'une certaine façon d'inverser les moments de payement par rapport à la situation actuelle.

Plus de détails prochainement.

Financement de immatériel (Partie 2) : la musique

Comme je l'écrivais dans la première partie de cet article, le seul modèle qui me semble valide pour la musique et plus généralement pour les biens reposant sur la propriété intellectuelle me semble être la souscription.

Le principe de base, adapté à la musique, est qu'une somme d'argent est réunie par le groupe ou sa maison de disque avant que l'album ne soit disponible en intégralité. Le paiement n'est effectif que lorsque la somme visée est atteinte. Ensuite, les morceaux sont librement accessibles sous réserve d'en indiquer la provenance (il n'est pas acceptable de "voler" la notoriété du groupe). Je vais ici répondre aux principales objections qui pourraient être faites.

* Seuls les groupes connus peuvent se permettre de faire ainsi.
Ce n'est pas facile de percer pour les nouveaux groupes mais ceci sera le cas quelque soit le modèle. Un groupe qui n'a pas encore de notoriété propre doit la "trouver" ailleurs. Cela peut être par le biais d'une maison de disques respectée. Si les clients sont satisfait des choix fait par une certaines maisons de disques, la confiance peut être suffisante pour souscrire à un groupe annoncé comme prometteur par l'éditeur. L'artiste peut aussi divulguer un morceau afin de donner envie d'entendre l'album complet. Comme aujourd'hui, il peut se faire connaître par les concerts et les premières parties d'artistes plus connus.

* Si la somme visée n'est pas atteinte, l'artiste et le producteur perdent tout.
Il y aura un travail important à faire sur l'estimation de la somme à réunir. On peut imaginer un système de "cliquet" dans lequel il y a plusieurs tranches. La première tranche correspond à 3 morceaux, la deuxième à la moitié de l'album, la dernière à l'album complet. La première tranche permettant d'aider les indécis dans leur choix.

* Le modèle n'a pas l'air au point.
Non, il ne l'est pas pour la simple raison qu'il n'y a pas un solution valable pour tout les cas. Je laisse les professionnels de la musique proposer et essayer des solutions. Avec le temps, les meilleurs solutions émergeront.

* Les consommateurs sont habitués à la gratuité.
Certains le sont. Dans la situations actuelle, avoir les albums gratuitement est si simple et sans risque réel qu'il n'y a aucune incitation à payer. Ma solution permet de garder la gratuité d'accès tout en payant un prix raisonnable pour ses artistes préférés.

* N'y aura t'il pas des passagers clandestins qui ne payent jamais ?
Si probablement. Néanmoins les vrais amateurs ne devraient pas hésiter à payer si le prix est bien fixé. De plus, les maisons de disques peuvent imaginer plein de bonus pour récompenser les acheteurs : albums physiques en avant-première, certificat d'achat, objets collectors, réduction aux concerts, ...

* Cette solution est-elle juste ?
Probablement plus que la situation actuelle et que les solutions telles la licence globale. L'acheteur payent pour un produit et l'argent va à l'artiste choisi et non à un pool avec une répartition sur des critères arbitraires. La rentabilité pour l'artiste en cas de réussite est fixés à l'avance et est proportionnée à la notoriété.

* Et les artistes ou genres marginaux ?
Comme les débutants, leur situation actuelle n'est pas facile. Ce sont justement ceux qui ont un noyau d'amateur prêt à payer et refusant de pirater mais aussi n'aimant pas les majors. Ce sont eux les grands gagnants de la Longue traîne.

* Certains albums sont des succès inattendus et l'artiste gagne donc beaucoup plus. Or avec la souscription, il ne gagne pas plus.
La somme visée et sans doute atteintes sera beaucoup plus élevée pour l'album suivant, les duos, etc. Sinon, c'est juste un "tube de l'été", un emballement médiatique, une bulle musicale et il n'y a pas de raison qu'ils gagnent plus.

Je n'ai pas trouvé de données permettant de faire un exemple chiffrée crédible. Lors de mes recherches, j'ai tout de même trouvé ces tableaux intéressants (et les pages voisines).

Le même principe peut être appliqué aux médicaments. Dans ce cas particulier, les acheteurs "primaires" seraient sans doute les États ou les assurances mutuelles de santé. L'intérêt à ne pas attendre peut alors être lié au prestige.