mardi 28 août 2001

e & Fantasia chez les ploucs

Ce billet traite ensemble de deux romans que j'ai lus récemment et appréciés bien qu'ils ne semblent à première vue n'avoir que peu en commun. Fantasia chez les ploucs (The Diamond Bikini) de Charles William paru en 1956 (1957 pour la traduction française par Marcel Duhamel) se passe dans l'Amérique profonde à l'époque de la Prohibition (1920 à 1933 aux USA) alors que e, a novel de Matt Beaumont paru en 2000 raconte la première semaine de cette même année dans une agence de publicité londonienne.
Le principal point commun est l'originalité du procédé narratif fortement subjectif.
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Mon oncle Sagamore se lève et rentre dans la maison. Une minute après, il revient avec deux cruches de verre pleines d'un truc clair comme de l'eau. Il en pose une juste en dedans de la porte et tend l'autre à Pop, après quoi il se raccroupit. [...]
[Pop] boit un coup au cruchon et le rend à mon oncle Sagamore. Il s'étrangle un peu et les larmes lui montent aux yeux.
-- Ce bon vieux puits, il a pas changé, il dit.
Bien sûr, ils veulent me mettre dedans, mais ça ne prend pas : je sais bien que ce n'est pas de l'eau, mas je dis rien.
Fantasia chez les ploucs m'a été recommandé par mon ami Sagamore qui emprunte son pseudo à Sagamore Noonan, l'un de personnages principaux du livre. Sam Noonan, qui vit principalement d'arnaques sur les champs de courses va vivre avec son fils Billy dans la ferme de son frère Sagamore pour passer le creux d'activité des champs de course. Billy, 7 ans, ne connait pas encore son oncle Sagamore et a été éduqué par son père au grand damme des services sociaux. Il découvrira un personnage haut en couleur à la créativité débordante lorsqu'il s'agit de ridiculiser le shérif - élu pour débarrasser le comté de la présence de Sagamore - ou de gagner de l'argent par des moyens aux marges de la légalité (des deux cotés de la limite). Arrive ensuite une superbe jeune femme accompagnée de son médecin et habitué à se baigner avec son léger biniki en diamant qui a donné son titre original au livre et fait tourner quelques têtes dans le roman.
L'originalité du livre est que tout cela est raconté par le jeune Billy avec son regard d'enfant de 7 ans à l'éducation limitée mais observateur et débrouillard. Le style d'écriture est donc volontairement très dépouillé et parfois incorrect. Ce style est amusant et original avec des bonnes idées comme le chien volé nommé "Sig Fride" par Billy alors que son nom est sans doute "Siegfried" mais que l'enfant a seulement entendu - et ne connais pas Wagner. Les "-- D'accord, je dis." et les "malgré que" sont marrants mais font tout de même de même mal aux oreilles. A l'occasion, je regarderais ce que cela donnait en anglais.
L'autre point apporté par le mode de narration est la non-fiabilité de la vision du narrateur. Souvent Billy rapporte correctement les paroles des adultes mais les interprète de travers. Plus précisément les adultes - son père, son oncle, les policiers - ne veulent pas tout lui dire et se gardent bien d'être trop clairs. Le lecteur peut alors comparer sa propre compréhension de la situation avec celle de Billy. L'humour repose donc en grande parti sur cette naïveté du narrateur.
La narration et l'humour rendent le roman très agréable à lire.
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e commence fort le lundi 3 janvier 2000 par un mail du patron de l'agence Miller Shanks de Londres à son assistante :
David Crutton - 1/3/00, 8:13am
to: Fiona Craigie
cc:
re: your butt

Take that fucking Walkman off, get your arse in here and show me how I do an all-staff e-mail.
Tout le roman se présente ainsi exclusivement comme une suite d'e-mails., un roman épistolaire moderne.  Les personnages, la société et les lieux ne sont jamais présentés autrement qu'à travers les courriers électroniques que s'échangent la douzaine de protagonistes.
De même que pour Fantasia chez les Ploucs, cette contrainte narrative a des conséquences sur le style et la fiabilité des informations. Le style varie selon les auteurs des mails et leur humeur. Ce mode de narration fait qu'il n'est pas évident de se retrouver entre les personnages au début mais on s'y fait.
C'est très amusant à suivre avec son lot de trahisons, mensonges, &c. Le même évènement peut être décrit très différemment par différents témoins (volontairement ou non).
Un petit détail qui m'a déplu est que l'auteur a préfixé tout les sujets des mails par "re:" et pas uniquement les réponses. Cela m'a un peu perdu au début puisque je pensais avoir raté une page. C'est écrit en 2000 donc on peut admettre l'erreur...
Un autre point commun est que les deux romans ont chacun une ou plusieurs suites que n'ai pas encore lu mais que je lirai à l'occasion, respectivement Aux Urnes, les ploucs !, 1960 (Uncle Sagamore and His Girls, 1959) et The e Before Christmas, 2000, e Squared 2009. Ce dernier inclus aussi des extraits de blog, de messagerie instantanée, &c
Dans le cas de Fantasia, un film en a été tiré en 1971 avec Lino Ventura, Jean Yanne et Mireille Darc. N'aimant généralement pas les adaptations de roman, il est peu probable que je le regarde. Inutile de préciser qu'un film sur e est difficilement imaginable.

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